"Le ciel était si sombre, il me semblait qu'on l'avait éteint. Les oiseaux gueulaient parmi les roches nues et brisées. L'eau bouillonnait en contrebas, dans le fracas des galets entrechoqués, brassés par les vagues. Je me tenais tout au bord. Un pas de plus et c'était le vide. Un pas de plus et puis rien, j'étais le vide."
Voilà un livre dont je me suis saisie dès que je l'ai vu chez mon libraire, sans même le retourner pour en lire la quatrième de couverture. Il était grand temps que je lise mon premier Olivier Adam ! Une certitude : ce ne sera pas le dernier ...
Dévastée par la mort de son frère, Nathan, Sarah abandonne subitement sa vie apparemment bien rangée pour partir sur les traces de celui qu'elle considérait comme son jumeau malgré leur année d'écart. Elle s'envole pour le Japon où Nathan a vécu quelques mois, où il semble s'être enfin (re)trouvé après des années d'errance, d'instabilité, de tourments. Elle s'installe dans un village tristement célèbre : c'est là que les désespérés se suicident en se jetant des hautes falaises. Elle se lie avec plusieurs habitants dont Natsume qui tente de sauver ces candidats au dernier saut en leur faisant une place chez lui, en les entourant de douces attentions, en leur transmettant sa sagesse.
Il m'a fallu 50 pages pour entrer dans ce récit mais ensuite je me suis laissée porter par les phrases longues, parfois peu ponctuée, qui traduisent les pensées cabossées, essoufflées, en quête de sens, de Sarah. La femme en apparence bien rangée se révèle être un double caché de Nathan : même lucidité extrême, même incapacité à entrer dans le moule, même rejet de la société, même noirceur de l'âme. Alors qu'elle est en quête de son frère, c'est vers elle-même, en elle-même que Sarah va aller.
L'écriture d'Olivier Adam est très sensuelle, au sens premier du terme : tous les sens sont en éveil, le moindre mouvement du cœur est saisi, la plus infime émotion est mise en mot, la gravité est dépeinte avec finesse. La chronologie du récit est bouleversée comme le sont les pensées de Sarah puis, peu à peu, très lentement, on la sent s'apaiser, son "cœur" redevient "régulier" et le rythme du récit suit ces pulsations.
Le Cœur régulier est un très beau roman, de ces romans qui émeuvent sans jamais tomber dans le pathos, de ces romans qui mettent des mots là où, d'ordinaire, on bafouille. Les personnages fragiles, heurtés par la vie sont à la fois si proches et si autres qu'on ne peut qu'en être troublés.
2/7