mardi 24 février 2009

Sur la fin de Kingsley AMIS

Marigold vérifia dans le miroir son maquillage - il ne brillait pas - et son sourire - il était au point -, puis elle passa à son poignet un bracelet de breloques : en pareille occasion il fallait être sur son trente et un. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, elle faisait ce rêve éveillé où elle se demandait quels vêtements, quels bijoux, etc, elle porterait si, comme cette femme qu'elle admirait tant, Marie-Antoinette, elle se trouvait malencontreusement condamnée à mort. La visite d'un médecin de campagne n'était bien sûr par un événement comparable, mais le principe était quand même valable.

9782743610296
C'est un roman que j'ai emprunté un peu par hasard à la bibliothèque sans rien connaître de son auteur et ce n'est qu'une fois refermé que je me suis rendue compte que je m'y étais vraiment attachée.

George, Shorty, Adela, Bernard et Marigold vivent ensemble dans un cottage isolé. Le plus jeune d'entre eux a 70 ans et leur seule occupation réelle consiste à ... attendre leur fin. Pour tromper l'ennui, ils se livrent à de petites mesquineries et parfois grandes farces cruelles les uns envers les autres, certains ayant une prédisposition à être victimes tandis que d'autres développent une imagination étonnante pour rendre la vie pénible à leurs compagnons.

J'ai d'abord été séduite par cette étrange galerie de personnages : Bernard l'officier en retraite qui boîte surtout quand cela l'arrange, Shorty son ancien amant alcoolique qui boit en cachette mais ne peut en masquer les effets, Georges l'universitaire devenu aphasique nominal (il ne peut plus prononcer un seul nom commun !), Marigold la cocotte vieillissante qui tente de faire illusion et l'empathique et patiente Adela qui souffre des bassesses que les uns font aux autres. Au fil de ma lecture, alors même que Bernard se livrait à de plus en plus de facéties, j'ai trouvé que l'humour noir le disputait au pathétique tant il devenait évident que la amisseule motivation de la cruauté de certains personnages était de faire diversion, de faire oublier leur déchéance, de reléguer au second plan le terrible constat des ans qui grignotent peu à peu les corps et les esprits. Ainsi, certains personnages, en particulier celui de Bernard, me sont apparus comme plus complexes, plus ambigus que simplement perfides et j'ai alors été davantage touchée par le récit. La fin tragique d'ailleurs a confirmé mon sentiment en occultant complètement l'humour anglais au profit d'une réalité des plus poignantes.

Une fois n'est pas coutume, j'ai envie de terminer cet article par une seconde citation qui pose bien l'une des questions qui m'a taraudée durant ma lecture : il s'agit d'un dialogue entre les petits-fils de Marigold, venus passer Noël au cottage :
- On sera comme eux à leu âge.
- Oh ! que non ! Affreux, oui. Chiants, c'est sûr. Mais pas comme eux. Ils forment une joyeuse petite bande, tu trouves pas ? Je retire ce que j'ai dit sur le fait qu'on sera chiants. Pas à ce point, en tout cas.
- J'aimerais avoir un enregistrement de ce qu'ils racontaient sur leurs grands-parents et le reste il y a trente ans.

Un roman troublant !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est la première fois que je lis une critique sur ce livre qui ne se limite pas à l'humour grinçant et qui parle de pathos, comme je l'ai ressenti moi-même. Moi j'avais aimé ce livre !

Anonyme a dit…

Merci Nine, ton commentaire me rassure car moi non plus je n'ai guère trouvé de critique qui évoquait cet aspect du livre. Or, c'est justement cela qui m'a touchée, je n'ai pas été plus sensible que cela à l'humour noir que j'ai parfois trouvé un peu potache.

Eeve a dit…

Coucou! Oui, je viens de lire ton billet, c'est vrai qu'il y a des similitudes entre "La maison des célibataires" et celui-ci, qui semble plus grave. "La maison" a un esprit plus enfantin, je dirais. Je vais tenter le tien une fois que j'aurais terminé les livres qui m'attendent déjà ( ps: à force de courir les blogs, je vais me retrouver avec une pile monumentale!)