jeudi 16 avril 2009

Voyages en terres inconnues de Laurent GAUDE

"Je suis occupé à lutter contre des choses que vous ne voyez pas, que vous seriez même incapables d'imaginer. Vous me plaignez, et vous avez raison. Mais je n'ai pas toujours été ainsi. Je fus un homme autrefois."

Je lis très lentement en ce moment et même si j'aime vraiment le roman que j'ai commencé, j'ai eu besoin aujourd'hui de m'offrir une lecture que j'allais pouvoir avaler d'un seul trait, comme ça, le temps d'une petite pause. Je me suis alors souvenu avoir reçu en démonstration des éditions Magnard un petit livre regroupant deux nouvelles que je n'avais pas encore ouvert : c'était l'occasion de les découvrir !
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Ce petit recueil au joli titre, Voyages en terres inconnues, sonne comme un avant-goût aux voyages littéraires (clic !) que je m'apprête à entreprendre et, de fait, j'ai passé une partie de l'après-midi en Afrique !
La première nouvelle, "Sang négrier" fait d'ailleurs également voyager dans le temps puisque l'histoire se passe à l'époque du commerce triangulaire. Le narrateur, commandant d'un navire transportant du bois d'ébène (autrement dit des esclaves noirs), prend la direction du navire à la mort du capitaine, au large du Sénégal, et il fait le (mauvais) choix de retourner à Saint-Malo pour rendre la dépouille à la veuve plutôt que de suivre son chemin vers l'Amérique. Pendant l'enterrement du capitaine, les esclaves s'échappent de la cale du navire. La plupart est rapidement rattrapée mais cinq d'entre eux parviennent à échapper à la vigilance des français. Quatre sont tout de même retrouvés et massacrés chacun d'une manière plus barbare que les autres. Reste le cinquième qui demeure invisible mais ne compte pas se faire oublier pour autant ... Cette nouvelle est dramatiquement réaliste mais le narrateur étant le commandant du navire et par conséquent l'un des responsables de cette affreuse cargaison, le lecteur entre dans la peau de ce que Laurent Gaudé appelle, à juste titre, "un salopard" et plonge avec lui dans les abîmes d'une conscience peu à peu prise d'une certaine culpabilité qui confine à la folie tant la peur, l'horreur le dévorent. La démence du narrateur mène naturellement vers une chute fantastique : le lecteur est bien incapable de décider si l'événement final est possible ou s'il est le fruit d'une l'imagination torturée.
La seconde nouvelle, "Dans la nuit Mozambique" fait également voyager, de Lisbonne où se réunissent les personnages pour se raconter leurs aventures, au Mozambique où se déroule l'aventure principale. Pour autant, ce récit est bien différent du premier car cette fois l'essentiel semble résider en ces rencontres entre marins autour d'un café, en leur plaisir à écouter puis à raconter à leur tour des histoires. D'ailleurs, on ne connaît pas véritablement la fin de l'aventure au Mozambique et même si l'absence de chute est toujours une frustration, on sent bien que le propos est ailleurs. J'ai moins aimé cette seconde nouvelle que la première car je n'ai été captivée que par la deuxième partie de ce récit, ne saisissant pas bien au début où le narrateur voulait nous conduire.
Ces "Deux récits sidérants" comme l'annonce le sous-titre gaud_mettent mal à l'aise le lecteur car ils abordent des événements sombres de notre histoire. Ils sont en même temps joliment écrits, parfois presque poétiques, et ce contraste entre un style touchant et des histoires barbares laisse le lecteur comme en équilibre, tantôt séduit, tantôt horrifié.

Deux nouvelles poétiquement monstrueuses ...

6 commentaires:

Stephie a dit…

Grâce à toi, je me rappelle que je l'ai aussi reçu et pas encore lu. Merci ;)

Leiloona a dit…

Je viens juste de terminer un Gaudé moi aussi ! :D
Et tout comme toi, le charme de son écriture efface (ou sublime ?) les horreurs écrites.

claire a dit…

J'ai beaucoup aimé la première nouvelle, je me souviens un peu moins de la deuxième...
Bonne fin de vacances !

Stéphanie a dit…

J'ai lu très récemment le dernier Gaudé, La Porte des Enfers, qui revisite le mythe d'Orphée et j'ai été transportée, comme chaque fois, ou presque, que je lis un de ses titres. Il a une maîtrise de la langue française rare chez un auteur contemporain, surtout si jeune que lui...

Eloah a dit…

@ Stephie : de rien ! Tu n'en feras qu'une bouchée mais je te souhaite qu'elle soit savoureuse !

@ Leil : je n'ai encore rien lu d'autre de cet auteur mais ces deux courts récits m'ont donné envie de lire ses romans. Je vais lire ta note sur ton blog !

@ Claire : Contente de te lire ici !! Comme toi, je pense que la seconde nouvelle ne me laissera pas un souvenir impérissable alors que la première m'a plus touchée.

@ Stéphanie : toi aussi je suis contente de te lire ici !! Tu me donnes TRES envie de lire son dernier récit !

Anonyme a dit…

merci pour ces resumé très bien écrit mais j'aimerer te demander ce qui ne t'a pas plus a toi sur la nouvelle de la nuit mozambique