"Avant de penser à jouer, il faut apprendre.
Elle a mis sa main sur son ventre, les mots étaient là, ils avaient déjà tissé leur matière. Les mots, dans sa chair et dans sa tête.
(...) L'avoir appris ne suffisait pas. Ce qui lui restait à accomplir était plus vaste. Il fallait oublier. Faire le chemin à l'envers pour que le texte ne soit plus un savoir. Alors seulement elle pourrait le jouer.
Où mettre le pied, comment placer la voix ? Elle ne pouvait pas prendre ce chemin toute seule.
Elle avait besoin de lui."
J'ai tant de billets de lecture en retard que je me résous à en laisser certains sur le quai mais je ne peux pas ne pas parler ici de ce livre, lu grâce à la gentillesse de
Leiloona de Brick a Book qui m'a prêté son exemplaire.
La couverture du livre est magnifique et le roman qui s'y cache ne peut laisser indifférent.
C'est l'été et à Avignon le festival bat son plein. On est loin cependant de l'image de carte postale d'une ville riante sous le soleil, d'une joyeuse foule s'adonnant à la passion pour le théâtre. La cité des papes est dépeinte comme un huis clos , enfermé entre les remparts. Le soleil est bien là mais il fait peser sur la ville une atmosphère moite. La foule est présente elle aussi mais la colère gronde car les intermittents se révoltent, toutes les pièces ne sont pas représentées, les désaccords occupent les esprits, les spectateurs errent à la recherche d'un spectacle qui se joue.
Le cœur du roman n'est pas là, pourtant. Le soleil et la foule masquent à peine le froid des cœurs et la solitude des êtres. La passion du théâtre cache comme elle peut les secrets de la famille du théâtre : pièce usurpée, célébrités en mal d'amour, dialectique du mensonge et de la vérité ... Odon, Mathilde devenue la Jogar, Marie se croisent, se racontent un peu sans se dire l'essentiel, se cherchent, hésitent à se trouver ...

L'Amour est une île est un roman qui avance lentement car son propos n'est pas tant d'aller vers une issue que de creuser au fond des personnages pour mettre à jour leurs sentiments les plus enfouis. Claudie Gallay a une écriture qu'on a d'emblée envie de lire à voix haute (et ma Mini Rikiki en a profité !). Ici, alors que la syntaxe reste souvent ample, le style est haché par de multiples retours à la ligne, comme pour marquer les hésitations, voire les errements des personnages qui cherchent leur route comme ils cherchent leurs mots. La lenteur du roman peut dérouter, elle m'a parfois gênée au début et j'ai eu du mal, à un moment, à poursuivre ma lecture, mais cette lenteur participe de l'instabilité qui est au cœur du livre.
Merci vivement, Leiloona, pour cette belle découverte qui entre dans le défi du 1% de la rentrée littéraire.
Vous trouverez
ici le billet de Leiloona.
5/7