"Lou comptait les jours où rien ne se passait, où rien ne s'était passé, sans y parvenir, tant ils étaient nombreux et se ressemblaient. Nous sommes plusieurs, à connaître l'angoisse des jours qui passent, comptés, décomptés, lorsque chaque jour qui finit est une chance de moins, lorsque c'est de mort lente que meurt le possible, et qu'insensiblement, il donne dans son contraire qui n'est pas l'impossible mais le rêve, puis la rêverie, puis plus rien. Chaque jour où rien n'arrive nous éloigne du jour où quelque chose pourrait puis aurait pu arriver. Nous rêvons, dans l'ombre de nous-mêmes. Ce que nous attendions devient ce qui nous attend. Plus nous avançons, plus la vie nous fuit."
Le premier roman de Caroline de Mulder plonge sans aucun ménagement le lecteur dans le monde trouble du tango.
La narratrice, à l'identité floue, raconte et se raconte : un quotidien qui ne distingue plus vraiment la nuit du jour, exclusivement occupé par le tango, toujours en attente sans vraiment savoir de quoi (d'un amour qui passe et fuit ; de la prochaine soirée de danse ; du retour de Lou danseuse amie autant que rivale subitement disparue), un quotidien où le fantasme occupe plus l'espace que la réalité. Des personnages se croisent, se cherchent en s'évitant, se regardent sans se voir. Ambiance moite, addictions multiples, décrépitude à peine masquée par un vernis défraîchi ... c'est dans un univers surprenant et envoûtant que se déroule Ego Tango.
Soutenu par un style abrupt, haché et pourtant poétique, un style qui rebute et qui émeut tout à la fois, ce roman peut égarer, il peut agacer, il peut transporter ... mais il ne peut pas laisser indifférent. Difficile de qualifier la plume de Caroline de Mulder : la syntaxe est maltraitée voire cassée comme le sont les corps et les âmes de ses anti-héros. La beauté jaillit de phrases qui n'en sont pas, de phrases qui commencent souvent par des propos convenus pour s'achever net, laissant le sens en suspens, maltraitant la ponctuation, faisant surgir l'émotion de la laideur et de l'errance. Un style si singulier qu'il est difficile d'en citer un passage car coupé de ce qui l'entoure il perd de sa saveur, d'où mon choix de l'extrait placé en exergue, plus classique. La plume de Caroline de Mulder danse comme ses personnages : tantôt en rythme, en avant, tantôt reculant, comme par à-coups.
Soutenu par un style abrupt, haché et pourtant poétique, un style qui rebute et qui émeut tout à la fois, ce roman peut égarer, il peut agacer, il peut transporter ... mais il ne peut pas laisser indifférent. Difficile de qualifier la plume de Caroline de Mulder : la syntaxe est maltraitée voire cassée comme le sont les corps et les âmes de ses anti-héros. La beauté jaillit de phrases qui n'en sont pas, de phrases qui commencent souvent par des propos convenus pour s'achever net, laissant le sens en suspens, maltraitant la ponctuation, faisant surgir l'émotion de la laideur et de l'errance. Un style si singulier qu'il est difficile d'en citer un passage car coupé de ce qui l'entoure il perd de sa saveur, d'où mon choix de l'extrait placé en exergue, plus classique. La plume de Caroline de Mulder danse comme ses personnages : tantôt en rythme, en avant, tantôt reculant, comme par à-coups.
A plusieurs reprises, lors de ma lecture, j'ai pensé à "Une Charogne" de Baudelaire ainsi qu'à des poèmes qu'on trouve beaux sans pourtant les comprendre vraiment. J'ai aimé Ego Tango sans l'aimer ; ma seule certitude est que je n'oublierai pas le nom de son auteur et que je guetterai la sortie de son prochain roman.
Un grand merci à la librairie Dialogues qui m'a permis de découvrir ce livre !
4/7
4 commentaires:
Rien à voir avec ta note, mais je me suis renvoyé ton mail de demande de renseignements au collège, où je sais que je peux retrouver une référence pour te guider dans ton désherbage, mais j'avoue que je n'ai pas eu une seconde à moi cette semaine, je suis sollicitée de tous côtés, ce dont je suis ravie, mais du coup pas le temps de me poser. Donc, je ne t'oublie pas, et essaie de t'envoyer des infos cette semaine!
@ Stéphanie : c'est gentil de penser à moi !! Ne t'en fais pas, je gère pour le moment et j'ai passé 2h hier avec mon ancienne collègue qui m'a briefée et rassurée :-)
j'aime beaucoup la façon dont tu parles de ce roman et je dois avouer que du coup, il m'intrigue !
moi qui traîne les pieds depuis plus de 10 ans dans les milongas, d'abord parisiennes puis bruxelloises, j'ai retrouvé par ce magnifique livre toute l'ambiance et la vie du tango : le vulgaire et le sacré, la haine et l'amour, les déchirures et les rabibochages, l'oubli et le souvenir, l'instant et l'éternel, le passé et le présent(rarement l'avenir, tant la vie s'arrête à trop danser !!), la violence et la fusion, les déceptions et les espoirs, la force des regards, l'envolée des émotions. En bref, la vie avec un grand V, dans tous ses extrêmes, ce qu'il y a de plus triste, de plus des-espérant mais aussi de plus noble quand on sait ce que l'on peut vivre sur la piste en dansant avec l'Autre.......Des instants qui jamais ne s'oublient....
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