"Plus que la satisfaction d'un besoin corporel, c'est la perspective de l'inconnu toujours renouvelé qui procure le véritable plaisir. On ne sait vraiment à quoi s'attendre et l'humiliation n'est jamais très loin. Les hommes qui montent et les hommes qui descendent forment ainsi une chaîne ininterrompue, une procession où s'exprime une profonde solidarité. C'est l'échelle de Jacob. L'angoisse de la mort, la communion de la solitude et la peur des femmes transpirent de leurs allées et venues silencieuses. Les femmes qui montent et les femmes qui descendent forment leur propre ligne, une farandole de misère et de servitude qu'elles conjurent par le mépris, l'indifférence et l'humour. C'est dans ce genre d'escalier, cet escalier universel en somme, jamais tout à fait le même et pourtant toujours identique, que j'ai fait l'expérience la plus profonde et la plus bouleversante de l'humanité."
J'ai tant de retard dans mes billets de lecture que je renonce à parler de toutes ici mais je ne pouvais pas passer à côté de livre-ci qui m'a résisté avant de m'emporter complètement. Un grand grand merci à BOB et aux éditions L'Editeur pour cette découverte !
Décembre 1954. Dans un Paris d'après guerre où la vie reprend ses droits même si la question juive reste au cœur des préoccupations, un événement agite les milieux littéraires : le prix Goncourt est sur le point d'être décerné. Gérard, garçon de course chez Gallimard, navigue entre questionnements intimes et confrontation avec le monde. Partagé entre son statut de petit employé anonyme et sa filiation, entre son identité religieuse (trop juif pour certains, pas assez pour d'autres), entre ses désirs, ses rêves et la réalité de son quotidien, le jeune homme se découvre et s'affirme au fil des pages.
Ses visites chez Louis-Ferdinand Céline sont l'occasion de périples au sens premier du terme : chevauchées à travers Paris, escales chez des prostituées qui le plongent toujours dans des souvenirs et des réflexions existentielles, faces à faces troublants avec le vieux génie déchu mais néanmoins toujours debout.
Le réprouvé est un roman qui m'a d'abord résisté : je n'ai pas réussi tout de suite à m'intéresser au personnage, je suis d'abord restée sur le quai de ses interrogations et de son errance. C'est finalement la langue qui m'a emportée : en effet, l'écriture de Mikaël Hirsch est ciselée, parfois un peu abrupte, jamais facile mais quand on s'y habitue, elle devient une petite musique qui porte le lecteur et le guide dans les pensées de Gérard. J'ai été particulièrement touchée par le questionnement sur l'identité religieuse du personnage, par sa difficulté à se trouver une place dans un monde parfois trop manichéen, trop découpé en petites cases dans lesquelles il faut entrer, et je me suis demandé si ce questionnement sur le degré de judéité n'était pas encore très moderne.
Un beau roman !
Un beau roman !
3 commentaires:
J'avoue ne pas avoir entendu parler de ce livre. Ce que tu en dis est intéressant, notamment les raisons pour lesquelles tu as eu du mal à adhérer au départ.
@ Dolly : moi non plus je n'avais pas entendu parler de ce livre, c'est le hasard qui m'a mise sur sa route !
De mon côté, je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire. Une belle langue mais qui m'a laissée sur le quai ! ;)
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