lundi 21 décembre 2009

Face aux ténèbres de William Styron

" Quant à ceux qui ont séjourné dans la sombre forêt de la dépression, et connu son inexplicable torture, leur remontée de l'abîme n'est pas sans analogie avec l'ascension du poète, qui laborieusement se hisse pour échapper aux noires entrailles de l'enfer"

Drôle de lecture en période de Noël, pensez-vous peut-être ... Certes, mais étrangement, ce petit livre n'est ni glauque ni larmoyant. Ce n'est en réalité pas une découverte mais la troisième ou quatrième lecture que je fais de ce récit. En effet, après ma lecture de Pat Conroy, j'ai éprouvé le besoin de relire un auteur américain que j'aime et c'est ainsi que je suis (re)tombée sur Face aux ténèbres. William Styron est surtout connu pour son terrible Choix de Sophie mais je l'ai d'abord découvert grâce à ses magnifiques Confessions de Nat Turner que je vous recommande vivement.

face_aux_t_n_bresFace aux Ténèbres - Chronique d'une folie est un récit difficilement classable, à mi-chemin entre l'essai et une forme d'autobiographie partielle.
A l'origine, une partie de ce texte a été prononcée par l'auteur lors d'une conférence sur les troubles de l'affectivité. Etoffé, il est devenu ce livre court mais puissant dans lequel Styron part de sa propre expérience de la dépression pour en tenter une analyse. Loin de tout pathos, c'est avec sobriété mais aussi recul et après s'être abondamment documenté qu'il expose les origines et manifestations de cette maladie, les troubles qu'elle entraîne, l'incompréhension et l'impuissance de l'entourage y compris médical, enfin les deux issues qu'elle peut connaître : le suicide ou la guérison, même fragile.
Au-delà de l'analyse précise qu'il fait de cette maladie, ce livre est aussi particulièrement intéressant pour la lecture qu'il invite à mener de l'art, en particulier de la littérature, et pour le regard différent qu'il nous fait porter sur des écrivains qu'il a connus intimement, comme Camus, Gary, Primo Lévy. Lui-même semble avoir re-découvert ses propres romans après avoir connu cette maladie de l'intérieur et a été surpris de l'y trouver, en germe.
Si Face aux Ténèbres n'est, comme je le disais, paradoxalement pas un livre sombre, c'est en partie parce que dans ce livre comme dans la réalité l'issue n'est pas toujours fatale et que, sans rien déflorer, je puis dire que William Styron a vaincu cette maladie. styron Toutefois, si l'homme a survécu, l'écrivain, lui, a disparu puisqu'il n'a plus rien publié ensuite alors qu'il est décédé 16 ans après ce dernier récit ... ce qui confère un tout autre sens à ces Ténèbres qui seraient peut-être aussi celles dans lesquelles plonge l'homme de lettres qui ne trouve plus les mots ...


2 commentaires:

Dolly a dit…

je trouve ton analyse drôlement intéressante Eloah ;)

ELOAH a dit…

@ Dolly : merci pour ton petit mot, Dolly !