Il y a d'abord eu cet étrange Mariage de Dominique Hardenne de Vincent Engel, que m'a gentiment prêté Melmélie (clic !). L'entrée dans ce roman est si brusque, si violente avec ce personnage qui marche sur une terre brûlée où tout a été dévasté, que j'ai aussitôt songé à un champ de bataille pendant la première guerre mondiale. Cette vision ne m'a pas vraiment quittée durant ma lecture, même s'il est évident dès les premières pages que le récit se situe dans une époque plus proche de nous : l'homme porte une combinaison qui le protège des radiations. J'ai cru aussi être entraînée vers un monde de science-fiction mais non, le présent et le passé dominent les pensées du protagoniste et son monde est trop semblable au nôtre pour relever d'un univers parallèle. Peu à peu le lecteur parvient à reconstituer le chemin parcouru par cet anti-héros solitaire qui semble être le dernier survivant d'un monde mort, qui pousse les portes de maisons désolées comme il pousse les portes de souvenirs qui le laissent à la fois en souffrance et plein de volonté de reconstruire un avenir. Je n'ai pas souvenir d'avoir lu un roman qui me place dans une telle incertitude ...La langue quant à elle est belle, à la fois très simple (voire enfantine quand le personnage s'attend à voir surgir sa maman) et imagée ; d'ailleurs des photographies jouent un rôle essentiel dans ce récit. Etrange lecture !
J'ai avancé comme la nuit vient de Jean-François Haas m'a été envoyé par la librairie Dialogue que je remercie sincèrement car sans elle j'aurais manqué cette drôle d'expérience de lectrice. Séduite par ce joli titre poétique, j'ai été déroutée par le style et par cette volonté d'égarer le lecteur, au point que j'ai fini par picorer des pages ou même des passages ici ou là, sautant des pages, revenant en arrière, relisant certains paragraphes. Le récit est découpé en 7 chapitres, chacun portant le nom d'un jour de la semaine. Merel, le narrateur, s'adresse à lui-même en se tutoyant, il se raconte ses rencontres, son empathie pour les autres mais aussi sa confrontation au rejet de l'autre qui saisit sa ville. Je n'ai pas réussi à tout lire, encore moins à tout comprendre, mais, paradoxalement, cela n'empêche pas l'intérêt pour ce récit qui relève davantage de l'expérience d'écriture / de lecture que de l'envie habituelle de se plonger dans un livre qui va nous offrir un peu d'évasion. Ce doit être un peu cela, l'inquiétante étrangeté dont parlait Freud ...
Enfin, il y a eu cette Lettre morte de Linda Lê qui est un récit profondément remuant. Il y est question de deuil, d'amour et de solitude, de perte, de remords, d'exil ... Une femme perd son père le jour où elle quitte son amant. Le premier devient l'homme idéal tandis que l'autre est jugé coupable du désamour qui les a séparés. Adressant une longue et dense lettre (pas un seul alinéa en un peu plus de 100 pages) à un interlocuteur muet, la narratrice exprime, extériorise plutôt, les sentiments, les émotions qui la figent dans un état de douce violence, proche d'une folie presque nécessaire pour survivre. On se sent comme en apnée à la lecture de ce texte qui ne respire jamais mais qui, étrangement, berce. J'ai surtout été touchée par les premières pages dans lesquelles la narratrice crie son remords de n'avoir pas répondu à la dernière lettre de son père. A ces mots, je me suis demandé si le deuil le plus difficile n'était pas celui de la petite fille qu'elle était auprès de son père que celui de son père lui-même ... C'est beau, c'est poignant, c'est dérangeant, aussi.
3 commentaires:
Trois lectures qui sont bien différentes et originales! merci de continuer à les partager avec nous :-)
Le dernier m'intrigue...
j'avais beaucoup aimé, et avec surprise, le roman de engel. Contente qu'il t'ait plu !!
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