Je suis doublement ravie d'écrire ce billet, d'une part parce que c'est ma première lecture commune et je suis contente de la partager avec Rafafa dont le blog, Bricoles et Vadrouilles, vous épatera tant elle sait tout faire de ses dix doigts, d'autre part parce que c'est la première fois que je lis une pièce de Tardieu. J'ai vu jouer du Tardieu par deux fois mais je ne m'étais encore jamais frottée à son singulier langage par la lecture et j'ai hâte de remettre ça.
Pour cette première lecture, Rafafa et moi avons été séduites par un titre bien mystérieux : La Triple Mort du Client.
La Triple Mort du Client est une trilogie : ce sont trois courtes pièces dont le premier point commun est de mettre en scène un Client (sans nom) qui trouve systématiquement la mort dans les dernières lignes.
Le Meuble doit être fort intéressant à voir sur scène car les didascalies mettent en place un dispositif bien particulier : deux personnages se font face, L'Inventeur et L'Acheteur, mais ce dernier reste dans les coulisses. Le protagoniste de la pièce, le fameux client dont la mort est annoncée dans le titre de la trilogie, est donc un héros invisible, muet, en somme aussi transparent qu'interchangeable. Il se présente chez l'Inventeur pour voir un meuble qui a la capacité de fournir n'importe quel objet et même de prononcer n'importe quel mot ... mais qui, sous les demandes répétées, va se détraquer.
Le dispositif de La Serrure est l'exact contraire de celui du Meuble car cette fois, outre le début et la fin de la pièce qui sont encadrés par la présence de La Patronne, le Client est seul en scène durant la plus grande partie de la pièce et, pour reprendre le mot que j'ai employé plus haut, il va se "détraquer" tout seul, au point de mourir, sous la simple emprise de ce qu'il voit à travers le trou d'une serrure.
Le Guichet est la seule des trois pièces dans laquelle deux personnages dialoguent et l'un des intérêts est justement que ce dialogue n'aboutit pas toujours car cette fois, c'est le langage qui, parfois, se détraque.
Ce personnage du Client me semble, dans les deux premières pièces, incarner ce que l'homme devient dans notre société contemporaine, à savoir un acquéreur et un voyeur, alors que la troisième pièce le fait revenir à ce qui en fait son essence : un mortel.
Outre ce personnage récurrent, ces trois courtes pièces ont en commun un langage qui a le pouvoir de régir la vie et la mort, de faire exister ce qui n'était pas avant qu'on le formule ou de faire mourir ce qui est simplement en l'annonçant, mais aussi un langage qui a force d'être tout puissant tourne parfois à vide et se délite. Dans Le Meuble, le langage rend la pièce burlesque en mettant sur le même plan un plumeau et un revolver, ce dernier envisagé comme un cadeau d'excuse. Dans La Serrure, le Client décompose par le langage la femme qu'il observe jusqu'à en mourir lui-même. Dans Le Guichet, le langage devient fou mais c'est de cette folie que naît la vérité la plus tragique car la plus imparable, la vérité nue du destin contre lequel on ne peut rien. Ce sont trois pièces absurdes, donc, mais avec des tonalités différentes et les textes se déroulent comme en équilibre sur le fil de l'humour noir.
Enfin, à la relecture de cette trilogie, j'ai découvert que l'écriture de Tardieu c'est aussi un rythme, une cadence même dans la deuxième pièce, et j'imagine les comédiens les dire dans un seul souffle. Quelle prouesse !
Allez vite lire l'avis de Rafafa !
Pour cette première lecture, Rafafa et moi avons été séduites par un titre bien mystérieux : La Triple Mort du Client.
La Triple Mort du Client est une trilogie : ce sont trois courtes pièces dont le premier point commun est de mettre en scène un Client (sans nom) qui trouve systématiquement la mort dans les dernières lignes.
Le Meuble doit être fort intéressant à voir sur scène car les didascalies mettent en place un dispositif bien particulier : deux personnages se font face, L'Inventeur et L'Acheteur, mais ce dernier reste dans les coulisses. Le protagoniste de la pièce, le fameux client dont la mort est annoncée dans le titre de la trilogie, est donc un héros invisible, muet, en somme aussi transparent qu'interchangeable. Il se présente chez l'Inventeur pour voir un meuble qui a la capacité de fournir n'importe quel objet et même de prononcer n'importe quel mot ... mais qui, sous les demandes répétées, va se détraquer.
Le dispositif de La Serrure est l'exact contraire de celui du Meuble car cette fois, outre le début et la fin de la pièce qui sont encadrés par la présence de La Patronne, le Client est seul en scène durant la plus grande partie de la pièce et, pour reprendre le mot que j'ai employé plus haut, il va se "détraquer" tout seul, au point de mourir, sous la simple emprise de ce qu'il voit à travers le trou d'une serrure.
Le Guichet est la seule des trois pièces dans laquelle deux personnages dialoguent et l'un des intérêts est justement que ce dialogue n'aboutit pas toujours car cette fois, c'est le langage qui, parfois, se détraque.
Ce personnage du Client me semble, dans les deux premières pièces, incarner ce que l'homme devient dans notre société contemporaine, à savoir un acquéreur et un voyeur, alors que la troisième pièce le fait revenir à ce qui en fait son essence : un mortel.
Outre ce personnage récurrent, ces trois courtes pièces ont en commun un langage qui a le pouvoir de régir la vie et la mort, de faire exister ce qui n'était pas avant qu'on le formule ou de faire mourir ce qui est simplement en l'annonçant, mais aussi un langage qui a force d'être tout puissant tourne parfois à vide et se délite. Dans Le Meuble, le langage rend la pièce burlesque en mettant sur le même plan un plumeau et un revolver, ce dernier envisagé comme un cadeau d'excuse. Dans La Serrure, le Client décompose par le langage la femme qu'il observe jusqu'à en mourir lui-même. Dans Le Guichet, le langage devient fou mais c'est de cette folie que naît la vérité la plus tragique car la plus imparable, la vérité nue du destin contre lequel on ne peut rien. Ce sont trois pièces absurdes, donc, mais avec des tonalités différentes et les textes se déroulent comme en équilibre sur le fil de l'humour noir.
Enfin, à la relecture de cette trilogie, j'ai découvert que l'écriture de Tardieu c'est aussi un rythme, une cadence même dans la deuxième pièce, et j'imagine les comédiens les dire dans un seul souffle. Quelle prouesse !
Allez vite lire l'avis de Rafafa !
" Elle jette ! Au loin ! Ses joues ! Ses lèvres ! Ses seins ! Toute sa chair ! S'effiloche ! En lambeaux ! Hop ! ... Pour les chiens ! Hop ! Pour les oiseaux ! Hop ! Pour les vers ... pour les chacals ! Hop ! hop ! hop ! allez ! allez ! allez ! Plus rien ! Plus rien ! Ni les muscles ! Ni les veines ! Ni la peau ! Ô ma beauté, te voilà plus nue encore ! Plus parfaite et plus belle que tu ne fus jamais !"
(extrait de La Serrure)
9 commentaires:
Je ne me rappelle pas de ces pièces (pourtant lues, honte à moi!), mais j'ai adoré la Comédie du langage. Je te la conseille vivement!
@ Dan : hihi, tu vises juste car c'est notre prochaine lecture commune !
Je vois qu'on partage le même avis! Ton analyse me paraît très juste. Tu as de la chance d'avoir vu Tardieu mis en scène! Je vais guetter les programmes de par chez moi! Merci pour cette lecture... yapluka fixer une date pour la suite! (j'ai d'ailleurs déjà commencé et bien rit avec "un mot pour un autre")
Bises.
Zut, j'ai cliqué sur le mauvais bouton! Le commentaire précédent était donc de moi...
@ Rafafa : ah chouette, j'ai hâte de lire ça ! Vu le temps, j'ai eu la flemme d'aller à la bibliothèque mais j'irai demain, sans faute.
J'adore Tardieu! Ce recueil est génial! Tous les ans, je fais jouer quelques pièces à mes secondes, en module, et on s'amuse follement! Tu peux tout lire, c'est extra!
@ Lolli : quel enthousiasme !! J'en ferais bien lire un peu à mes collégiens ... faut que je me lance !
trop de didascalies doit être un peu pénible à lire ?
@ Fersenette : il n'y en a pas tant que ça, du moins elles ne m'ont pas gênée.
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