50 ans ... voilà un chiffre rond qui sonne bien, d'autant mieux que Camus a eu un destin à la James Dean. Il n'en faut pas moins pour que tous les médias sautent sur l'événement pour se vendre, outrancièrement. Je suis la première à estimer qu'on ne parle jamais assez de littérature à la télévision, à la radio, dans les revues non spécialisées mais là, ça frôle l'overdose, surtout quand manifestement certains de ceux qui parlent d'Albert Camus ne l'ont pas lu et n'en parleront plus dès que l'événement aura été remplacé par un autre. Qui parlera de Camus dans une semaine ? dans un mois ? Car parler de Camus, certes, est nécessaire mais tout de même, le lire, c'est bien mieux ! Et lire Camus, ce n'est pas se contenter d'une vague lecture de L'Etranger !
Ma réaction est peut-être épidermique parce que Camus est l'auteur qui a accompagné mon adolescence et mon entrée dans le monde adulte. La Chute fut ma première révélation littéraire et j'ai même subtilisé la vieille édition qui se trouvait dans la bibliothèque de mes parents tant je ne m'imagine pas en lire un autre volume plus récent.
Tant d'effervescence autour de cet auteur m'a donné envie de le relire pour en parler ici et, peut-être donner envie à d'autres de le lire, afin que la lecture de l'œuvre elle-même redevienne la meilleure (la seule ?) voie pour accéder à la pensée de l'écrivain ... Pour cette première relecture, j'ai choisi une petite pièce de théâtre qui m'avait terriblement choquée quand j'avais 14 ou 15 ans : Le Malentendu.
Martha et sa mère tiennent une auberge et ne rêvent que d'une chose : s'enrichir pour aller vivre au soleil. Pour concrétiser ce projet, Martha incite sa mère à l'aider à tuer les voyageurs qui s'arrêtent chez elles afin de les dépouiller de leurs biens. Lorsqu'un nouvel arrivant s'arrête chez elles, la mère, très lasse, hésite à le tuer mais sa fille lui force la main, tandis que le spectateur / lecteur découvre que ce visiteur est le fils de la famille, parti 20 ans plus tôt, revenu apporter la richesse à sa mère et à sa sœur, mais ne trouvant pas les mots pour leur avouer qui il est il repousse sans cesse ce moment. Ce n'est que le lendemain du meurtre que les deux femmes découvrent l'identité de leur victime ...
Cette pièce en trois actes est terriblement sombre. Les deux femmes, surtout la sœur, font preuve d'une froideur qui peut mettre mal à l'aise mais derrière cette indifférence au sort des autres on devine une souffrance si grande que chacune d'entre elles est enfermée dans une profonde solitude.
Le personnage du fils, quant à lui, est terrible car, alors qu'il est venu contre l'avis de son épouse (dont le prénom ressemble étonnamment à celui de la sœur) pour retrouver sa mère et sa sœur, il se trouve incapable de leur dire tout simplement qui il est, muré qu'il est dans un silence que l'on sent venu de loin et qui le dépasse.
La tragédie se noue autour des rêves de chacun des trois personnages, rêves qui se percutent sans jamais se rencontrer alors que là serait l'issue pour eux tous : la mère rêve (sans être capable de se l'avouer) d'une famille qui n'est plus, la sœur rêve d'un ailleurs qui l'éloignerait de cet univers sombre, le frère rêve d'être reconnu pour ce qu'il est sans avoir à prononcer un mot. Tragédie classique du langage, tragédie moderne d'une quête impossible d'un bonheur utopique qui ne fait qu'enfermer chaque personnage dans sa propre solitude. Tragédie de l'absurde bien sûr puisque chacun est le responsable de sa propre perte : le fils en taisant son identité, la mère en taisant le manque de son fils, la fille en taisant l'amour de sa mère.
Ma réaction est peut-être épidermique parce que Camus est l'auteur qui a accompagné mon adolescence et mon entrée dans le monde adulte. La Chute fut ma première révélation littéraire et j'ai même subtilisé la vieille édition qui se trouvait dans la bibliothèque de mes parents tant je ne m'imagine pas en lire un autre volume plus récent.
Tant d'effervescence autour de cet auteur m'a donné envie de le relire pour en parler ici et, peut-être donner envie à d'autres de le lire, afin que la lecture de l'œuvre elle-même redevienne la meilleure (la seule ?) voie pour accéder à la pensée de l'écrivain ... Pour cette première relecture, j'ai choisi une petite pièce de théâtre qui m'avait terriblement choquée quand j'avais 14 ou 15 ans : Le Malentendu.
Martha et sa mère tiennent une auberge et ne rêvent que d'une chose : s'enrichir pour aller vivre au soleil. Pour concrétiser ce projet, Martha incite sa mère à l'aider à tuer les voyageurs qui s'arrêtent chez elles afin de les dépouiller de leurs biens. Lorsqu'un nouvel arrivant s'arrête chez elles, la mère, très lasse, hésite à le tuer mais sa fille lui force la main, tandis que le spectateur / lecteur découvre que ce visiteur est le fils de la famille, parti 20 ans plus tôt, revenu apporter la richesse à sa mère et à sa sœur, mais ne trouvant pas les mots pour leur avouer qui il est il repousse sans cesse ce moment. Ce n'est que le lendemain du meurtre que les deux femmes découvrent l'identité de leur victime ...
Cette pièce en trois actes est terriblement sombre. Les deux femmes, surtout la sœur, font preuve d'une froideur qui peut mettre mal à l'aise mais derrière cette indifférence au sort des autres on devine une souffrance si grande que chacune d'entre elles est enfermée dans une profonde solitude.
Le personnage du fils, quant à lui, est terrible car, alors qu'il est venu contre l'avis de son épouse (dont le prénom ressemble étonnamment à celui de la sœur) pour retrouver sa mère et sa sœur, il se trouve incapable de leur dire tout simplement qui il est, muré qu'il est dans un silence que l'on sent venu de loin et qui le dépasse.
La tragédie se noue autour des rêves de chacun des trois personnages, rêves qui se percutent sans jamais se rencontrer alors que là serait l'issue pour eux tous : la mère rêve (sans être capable de se l'avouer) d'une famille qui n'est plus, la sœur rêve d'un ailleurs qui l'éloignerait de cet univers sombre, le frère rêve d'être reconnu pour ce qu'il est sans avoir à prononcer un mot. Tragédie classique du langage, tragédie moderne d'une quête impossible d'un bonheur utopique qui ne fait qu'enfermer chaque personnage dans sa propre solitude. Tragédie de l'absurde bien sûr puisque chacun est le responsable de sa propre perte : le fils en taisant son identité, la mère en taisant le manque de son fils, la fille en taisant l'amour de sa mère.
"(...) la vie est plus cruelle que nous. C'est peut-être pour cela que j'ai du mal à me sentir coupable." (la mère, acte I scène 1).
8 commentaires:
Merci pour ce que tu dis de camus, auteur que j'apprécie énormément aussi.
C'est un réel plaisir que de te lire, et je redécouvre grâce à toi cette pièce que j'avais presque oubliée.
Je fais partie de ceux qui n'ont lu que l'Etranger au lycée, mais au moins, je ne parle pas de cet auteur comme si je le connaissais, et je n'essaie pas de me le réapproprier, comme certains ont l'impudence de le faire, notamment en voulant le faire entrer au Panthéon. Par contre, en t'écrivant ces lignes, je regarde de loin le téléfilm sur France 2 sur la vie de Camus, mais tu as raison : mieux vaut le lire...
@ Sarah : merci pour ton gentil commentaire !
@ Stéphanie : attention, loin de moi l'idée de critiquer ceux qui ne lisent pas Camus, chacun est libre heureusement !! Je parlais des animateurs d'émission qui en parlent sans rien y connaître, manifestement. Je n'ai pas regardé ce téléfilm : tu me dirais s'il était bien ?
Je n'ai pas lu celui-là... Je vais voir si je ne l'ai pas dans ma bibliothèque ..
Un auteur dont je n'ai finalement que de lointains souvenirs, donc une impression assez scolaire ...
@ Gio : si tu lis cette pièce, tu me diras ce que tu en auras pensé ?
@ Fersenette : tu n'es pas la seule et c'est bien dommage car malheureusement l'école ne donne pas toujours envie de (re)lire ...
Je connais très mal Camus, mais j'avais l'intention de lire prochainement certaines de ses pièces. Tu me confortes dans cette envie !
Oups j'ai validé trop vite ! Anonyme c'est moi ;-)
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